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Identité plurielle

Dans le cadre de ses activités, l'association "Livres à Tunis" / Tounes wal Kitab" a organisé le 8 mars 2013 une manifestation sous la forme d'une table ronde autour de la question :"Qu'est-ce qu'être tunisien aujourd'hui?". Y ont participé plusieurs figures intellectuelles qui ont apporté leur témoignage personnel ou leur éclairage professionnel sur le sujet. . Y ont participé également Mlles Amira Gouider et Amira Ghaouar, deux étudiantes au mastère de français à l’ISLT, dont les contributions méritent d’être lues et méditées sur notre site.

Texte1 (Amira Ghaouar) :

Depuis deux ans, c’est-à-dire depuis la révolution du 14 janvier 2011, une question revient dans nos débats d’une façon récurrente. Mais qu’est- ce qu’être tunisien aujourd’hui ?  Comment peut-on définir son statut, son identité ou encore les contours de sa citoyenneté ? Peut-être qu’ il ne serait pas insensé, par ricochet, de poser la question autrement : qu’est-ce que ne pas être tunisien ?

La Tunisie est mon « bled ». Et je n’ai pas dit « Pays » ou « Patrie », parce que ce mot « bled » a une connotation particulière chez-nous, parce qu’il a une charge subjective qui renvoie autant à un espace communautaire qu’à un imaginaire collectif.

Ma Tunisie n’est pas seulement le jasmin,  les persiennes bleues de Sidi Bou Saïd, les plages du Sahel ni le désert du Sud. Non, elle est unique. Dés que j’entends le mot « Tunisie », la carte géographique me revient à l’esprit, me remplit les yeux.  Dans mon imagination, je la vois toujours telle une belle femme, rayonnante et enceinte qui lève les bras vers le ciel. Je suis donc née dans ce bled et originaire des vingt-quatre régions qui le composent. Les régions oubliées et dépouillées sont aussi les miennes. Son charme réside dans sa nature, sans artifices. Si tu veux vraiment connaitre le vrai Tunisien, alors tu dois savoir qu’il sourit presque tout le temps, sauf le matin, lorsqu’on prend le métro.

Le vrai Tunisien trouve toujours une blague à te raconter, même quand les choses vont vraiment mal. Si tu sors te balader en ville et que par hasard tu tombes sur un rassemblement ou une bagarre, sois sûr que le Tunisien ne résiste pas à la tentation d’aller voir ce qui se passe et en connaitre les raisons. Oui, nous sommes de nature très curieuse. Une fois, quand j’avais dix ans, on a entendu dire, là où j’habitais, qu’on avait posé une bombe dans l’hôtel au cœur de la ville. En bonne logique, les gens devraient déserter les lieux. Eh bien, c’était le contraire qui s’était produit ! Toute la ville se précipita vers l’endroit indiqué pour voir la fameuse bombe et attendre l’explosion. Heureusement,  ce n’était qu’une rumeur! C’est vous dire que la morosité et la guigne ne sont pas tunisiennes !

Pendant les deux années précédentes, j’ai participé à des manifestations de rue. J’ai aimé la foule et adoré le gaz lacrymogène. Ces bruits et odeurs me manquent encore. J’ai pu comprendre grâce à ces événements que nous sommes, malgré tout, solidaires. Des malentendus nous séparent peut-être aujourd’hui. Certes, nous ne sommes pas semblables, mais quand même complémentaires. Les uns ne sont pas moins croyants que les autres. Ils sont juste plus ouverts. Le Tunisien est plutôt un bon croyant, même quand la tentation de l’alcool le prend de temps en temps. Cette contradiction ne fait-elle pas de nous un peuple unique ?

Ma tunisianité, je la sens très fortement dans ce fou rire d’une jeunesse optimiste malgré tout, dans le sourire nostalgique d’un immigrant, dans le glamour des femmes de chez-nous. Je la reconnais dans la sueur de ces travailleurs modestes que l’on croise au petit matin. Capsienne, phénicienne, punique, carthaginoise, romaine et ottomane, je suis donc tunisienne, et c’est assez riche et réconfortant pour moi. J’ai toujours pensé que le fait de quitter le pays serait un bon pas dans ma vie. Mais la question me hante toujours : Serai-je respectée ailleurs comme je le suis ici ? Serai-je comprise ? Serai-je moi-même ? Je ne saurai répondre à toutes ces interrogations, mais je suis emplie pour le moment d’un sentiment de satisfaction. Je me sens  bien dans ma peau brune de tunisienne. J’aime cette terre, cet air, ce ciel. J’aime ces gens, même les plus bornés d’entre eux.

Peut-on vraiment se détacher de ce qu’on aime ? Moi, qui suis captive de ma Tunisie, je ne le pense pas. Réserve d’un amour éternel, ce pays triomphera des ténèbres.

Je suis originaire du sud tunisien et plus exactement de Gafsa. J’ai eu la chance de vivre et de voir la première étincelle du soulèvement du peuple. En 2008, j’ai ouvert les yeux et appris le sens de l’injustice et de la misère. J’ai vu des pères pleurer leurs enfants encore jeunes. J’ai vu des mères batailler, au vrai sens du terme, aux côtés de leurs garçons. J’ai connu moi-même l’iniquité. C’était une période noire de notre vécu, de l’histoire de mon fief et de tout le pays. Nous ne pourrons jamais l’oublier. Elle fait désormais partie de l’Histoire nationale. Avoir la tentation de l’oublier serait une grave méconnaissance des vraies raisons de notre Révolution. Car, nous ne sommes pas soulevés uniquement pour la liberté, mais aussi pour la dignité, la justice et l’égalité. C’est pour ces raisons que j’ai encore confiance en ce peuple qui m’a montré comment je peux être citoyenne d’ici.

Etre tunisien aujourd’hui c’est se sentir grand dans ce petit pays pour fouler son sol la tête haute. Personne n’y est supérieur à personne. Unis par notre foi, nous saurons toujours parer aux tentatives qui visent à semer la division et la fronde. Hugo disait « Ceux qui vivent sont ceux qui luttent ». Et nous sommes vivants !

Chers compatriotes, restez naturels ! Soyez vous-mêmes et luttez pour votre futur ! Ne craignez pas l’ambition ! Osez ! Avancez ! Vous êtes tunisiens!!!

 

Texte 2 (Amira Gouider) :

Comment peut-on être soi –même quand ses propres racines sont pétries dans le divers et le multiple ? Qu’est-ce qu’être tunisien aujourd’hui ?
La Méditerranée a drainé depuis la nuit des temps des civilisations qui avaient façonné une identité tunisienne généreusement ouverte sur les autres, avec des résonances multiples : berbère, punique, romaine, byzantine, vandale, arabe, andalouse, espagnole, ottomane, génoise et française, sans oublier le passage des Normands et des Vikings.
C’est donc au gré d’un subtil recoupement entre ces appartenances multiples que l’être tunisien s’est forgé une identité. Cette panoplie de comportements et de traditions héritées rejaillit souvent et se fait sentir dans le quotidien du Tunisien. C’est que le local tisse un réseau d’échos avec l’universel et réciproquement. Dans cette perspective, l’identité tunisienne échappe à tout alignement univoque et ébranle toute contrainte exclusive pour brasser ainsi un monde culturel haut en couleurs qui répond aux aspirations et aux tempéraments des Tunisiens.

Elle, lui et moi, nous sommes les enfants de cette grande patrie qui nous a inculqué les nobles valeurs du respect, du partage et de l’amour de l’autre.
Faisons preuve de patriotisme et préservons notre patrimoine ! Redressons-nous contre les idées passéistes et rétrogrades pour pouvoir bâtir un avenir radieux.
Je ne saurais parler de mon identité sans rappeler la pondération, le bon sens et la tolérance des ancêtres : c’est une source d’inspiration et un référent pour nos enfants. Elle est aussi le miroir qui reflète notre image toujours en relation dynamique avec celle de l’autre.
Parce que la tunisianité est mixte, hybride et plurielle, elle récuse le repli identitaire et incite à l’ouverture sur autrui. Dans ces contrées, le « brassage » est loin d’être un vain mot. Il module notre idiome local (un doux mélange de berbère, de latin et d’arabe). Il est dans notre art culinaire, dans nos habits et notre joie de vivre.

Mon identité, si j’avais à la décliner en quelques mots, je dirais qu’elle est généreusement paradoxale: je suis tunisienne à mon insu et de mon plein gré.
Oui, si j’avais à choisir un pays natal, je ne pourrais me voir naître que dans ce petit pays qui est le mien. Je ne m’imaginerais pas non plus grandir ailleurs que dans les ruelles de notre ksayba bizertine. Je sècherais volontiers
les cours pour passer mes après midi au cinéma de Paris tout en essayant, tant bien que mal, de m’initier à l’anglais, à l’allemand et à l’indien, tout en savourant l’irrésistible « kaskrout lablebi ». Tant pis pour les fautes d’orthographe !

Mes souvenirs, qui sont intacts, m’ont façonnée. Ils ont fait de moi cette demoiselle passionnée de littérature, de théâtre et de cinéma.
Je suis maintenant une jeune femme épanouie, libre et combattante ; je défendrai de toutes mes forces mes droits, mon pays et ses femmes. Tout cela fait partie aussi de la tunisianité. Les femmes en sont les vrais chaînons: Didon la Fondatrice de Carthage ; El Kehna, la Reine berbère ; Lella Manoubia, la Sainte ; Aziza Othmana, la bienfaitrice ; Bchira Ben Mrad, la pionnière du féminisme et Tawhida Ben Cheikh, la première blouse blanche de chez-nous.


En cette journée du 8 mars, je rends hommage à toutes ces figures féminines et à bien d’autres qui nous ont marqués pour toujours.

 

 

 

L’amer goût du désenchantement.

En attendant zéro heure (Fi Intidhar Essaa Sifer) d’Abdelhamid Erraï, Sud Editions, Tunis 2013, 250 pages. ISBN : 978-9938-01-063-3

 

Issaoui Dajaj est ambassadeur de Tunisie à Moscou. En cet après-midi du 31 décembre 1999, son Excellence s’apprête à célébrer l’avènement du troisième millénaire. Par cette journée glaciale, personne n’était à côté de lui. Tout le monde, aussi bien le personnel de l’ambassade que sa famille, est parti pour les vacances de fin d’année.

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Une passion nommée Tunisie

Dora Latiri : Un amour de tn, (Carnet d’un retour au pays natal après la Révolution) éditions elyzad, Tunis 2013, 114 pages. ISBN 978-9973-58-049-8

 

Dora Latiri enseigne la littérature à l'université de Brighton et poursuit depuis plusieurs années des travaux de recherche sur la question des minorités et ses implications inter culturelles, notamment dans les pays arabes.

À la faveur de la Révolution tunisienne, Dora Latiri retourne en Tunisie, au gré d'un voyage différent de ses précédents séjours dans son pays natal. Elle revisite le bercail non seulement avec des yeux neufs et une fraîcheur attentive aux composantes de la Tunisie post révolutionnaire, mais aussi avec l'élan d'une amoureuse qui voudrait s’immerger, se fondre dans les plis et les replis de l'identité tunisienne.

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L’HOMME DU CREPUSCULE OU LE CREPUSCULE DES DIEUX

Sonia Chamkhi, L’Homme du crépuscule,Editions Arabesques, Tunis 2013, 182 pages. ISBN : 978-9938-07-007-1

 

Sonia Chamkhi est plutôt connue en tant que cinéaste, surtout à travers ses trois moyens métrages à dimension socioculturelle et qui constituent une trilogie: Derrière les panneaux, Mezoued et Militantes. Ces trois films racontent la marginalité (positive ou négative) transfigurée en amour (1er film) en art (le second) ou en activité militante.

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La Tunisie : le mot et la chose.

Said Bhira, Kiraatoun oukhra fi al hawia attounoussia « Une autre lecture dans l’identité tunisienne », septembre 2012, 270 pages, prix : quinze dinars, ISBN: 9789938052589

 

On ne décline pas l’identité de son pays comme on rédige son propre curriculum vitae. Fernand Braudel n’osa se prêter à cet exercice périlleux sur la France qu’au terme d’un long périple dans le temps méditerranéen. C’était, pour lui, un préalable nécessaire avant de se pencher sur le « soi-même » des Français, ses concitoyens. Une telle aventure aurait sans doute découragé l’universaliste Voltaire qui voyait dans la notion d’identité ou de «  mêmeté » une question aussi fuyante que les eaux de l’Euphrate. Si la connaissance historique aide à restituer le parcours d’un peuple ou d’une nation, elle ne pourrait dire, en revanche, ni décrire suffisamment la potion magique transhistorique qui forma son être collectif. La connaissance dite objective ne suffit donc pas. Il faut y mettre aussi du cœur, beaucoup de cœur. Or le sentiment filial, souvent débordant, vous expose aux tentations de Narcisse.

 

En réfléchissant sur la Tunisie de maintenant et de toujours, dans un essai en langue arabe de 260 et quelques pages, l’historien universitaire, Said Bhira est conscient de ce double écueil. Il le redoutait au moment où il a entamé son enquête. Il en mesure davantage l’ampleur dans sa conclusion et en sort avec la forte impression d’avoir vécu une réelle épreuve.

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