La femme dans le discours du Coran et de la Sunna
Olfa Youssef, Al Ikhbar an il mara’a fi’l Qura’an wa Sunna, Sahar Editions, mars 2009, ISBN: 9973-28-021-0
Le livre de Olfa Youssef, le discours sur la femme dans le Coran et dans la Sunna, (Al Ikhbar an il mara’a fi’l Qura’an wa Sunna) est un livre modeste du point de vue de la taille – il ne dépasse guère les 130 pages – mais qui nous semble d’un grand intérêt, car il a pour objet (et c’est un aspect que n’indique pas le titre) une lecture comparative du discours sur la femme que véhiculent le Coran et la Sunna, les deux sources officielles de la législation et la jurisprudence islamique, d’une part, et celui qu’on tenait sur la femme pendant la période antéislamique, d’autre part.
Le premier mérite de ce travail, et non le moindre, est de se baser dans sa lecture comparative sur des critères quantitatifs. Ils permettent de dépasser les comparaisons impressives et complaisantes et les conclusions subjectives sur le changement radical et la rupture constitutive que l’Islam aurait apportés par rapport à la doxa antéislamique.
Cette approche quantitative met en lumière le fait suivant: au sujet de la femme il n’y a pas de solution de continuité entre la vision musulmane et celle de la Jahiliya. Bien entendu, certaines règles concernant le mariage, les relations sexuelles, les rapports conjugaux, l’héritage et autres, ont été amendées, modifiées ou complètement abolies, mais certaines autres ont été maintenues avec de légères adaptations. Ainsi l’interdiction du meurtre de la nouveau-née, rien que parce que c’est une fille, et le haro sur cette abomination ne doivent pas cacher la place secondaire qui reste celle de la femme dans l’organisation sociale musulmane et qui ne diffère guère de celle qui lui était dévolue auparavant. Ce que le travail de Olfa Youssef montre, c’est que malgré une volonté certaine d’améliorer la situation de la femme, le discours du Coran et de la Sunna sur la femme ne marque pas une modification radicale dans les structures mentales où sont restées ancrées des idées ancestrales sur l’inégalité « naturelle » entre homme et femme, sur les limites physiques et intellectuelles de cette dernière. On y retrouve même certaines superstitions qui imputent à la femme une capacité maléfique nécessitant une méfiance continue à son égard.
Le point sur lequel la convergence entre les deux discours devient nettement patente réside dans le fait que les deux discours traitent de la femme sans s’adresser à elle. En effet, la femme dans le Coran est le plus souvent l’objet et non le destinataire des règles, des injonctions ou des interdictions qui la concernent. Le texte sacré s’adresse de préférence aux hommes et semble ne pas considérer la femme comme son destinataire naturel. C’est aux hommes d’appliquer aux femmes ou de faire appliquer par les femmes ce qu’édicte la loi.
Et ceci n’est pas un simple fait de style. S’il n’y a pas solution de continuité entre les deux discours concernant les femmes, c’est sans doute, nous dit l’auteur, par une volonté d’adapter le discours à la réalité historique pendant cette période critique que représente le changement de système de croyances. En effet, les nouveaux convertis, même les plus enthousiastes, ne peuvent s’empêcher de se sentir profondément perturbés par les nouveautés et le risque est grand de voir les mécréants se cabrer dans une attitude de refus de la nouvelle religion, si elle leur semble détruire entièrement leur système social. Ainsi, et tant que cela était possible sans contradiction flagrante avec la nouvelle donne, la structure passée a été maintenue, moyennant certains amendements. De ce fait, et contrairement à ce qu’on pourrait penser de manière instinctive, le discours islamique sur la femme n’est pas dans une position de contradiction systématique avec les positions antéislamiques. Or, c’est cet état des choses, souligne l’auteur, qui était à l’origine de nombreuses disputes suite à des interprétations fort différentes du texte sacré. Certains exégètes, en effet, pour expliquer les passages ambigus du Coran, postulaient que la loi islamique ne pouvait que prendre le contrepied des règles préislamiques.
Ce qui nous amène à souligner le troisième point qui nous semble constituer le mérite de cette étude et qui est de prendre le parti théorique et méthodologique de replacer le discours du Coran et de la Sunna sur la femme dans son contexte historique. Cela permet d’attirer l’attention sur le rapport dialectique du discours islamique avec les systèmes de pensée précédents et sur le fait qu’il représente une étape dans une évolution appelée à se poursuivre. Ce discours ne doit pas être enfermé, et nous tenir enfermés, dans une atemporalité sans issue. Une telle atemporalité condamnerait nos sociétés à une situation de tiraillement tragique entre le présent et un modèle social et intellectuel que certains n’ont de cesse d’exalter comme un idéal indépassable.
Mondher Jabberi.
Cette approche quantitative met en lumière le fait suivant: au sujet de la femme il n’y a pas de solution de continuité entre la vision musulmane et celle de la Jahiliya. Bien entendu, certaines règles concernant le mariage, les relations sexuelles, les rapports conjugaux, l’héritage et autres, ont été amendées, modifiées ou complètement abolies, mais certaines autres ont été maintenues avec de légères adaptations. Ainsi l’interdiction du meurtre de la nouveau-née, rien que parce que c’est une fille, et le haro sur cette abomination ne doivent pas cacher la place secondaire qui reste celle de la femme dans l’organisation sociale musulmane et qui ne diffère guère de celle qui lui était dévolue auparavant. Ce que le travail de Olfa Youssef montre, c’est que malgré une volonté certaine d’améliorer la situation de la femme, le discours du Coran et de la Sunna sur la femme ne marque pas une modification radicale dans les structures mentales où sont restées ancrées des idées ancestrales sur l’inégalité « naturelle » entre homme et femme, sur les limites physiques et intellectuelles de cette dernière. On y retrouve même certaines superstitions qui imputent à la femme une capacité maléfique nécessitant une méfiance continue à son égard.
Le point sur lequel la convergence entre les deux discours devient nettement patente réside dans le fait que les deux discours traitent de la femme sans s’adresser à elle. En effet, la femme dans le Coran est le plus souvent l’objet et non le destinataire des règles, des injonctions ou des interdictions qui la concernent. Le texte sacré s’adresse de préférence aux hommes et semble ne pas considérer la femme comme son destinataire naturel. C’est aux hommes d’appliquer aux femmes ou de faire appliquer par les femmes ce qu’édicte la loi.
Et ceci n’est pas un simple fait de style. S’il n’y a pas solution de continuité entre les deux discours concernant les femmes, c’est sans doute, nous dit l’auteur, par une volonté d’adapter le discours à la réalité historique pendant cette période critique que représente le changement de système de croyances. En effet, les nouveaux convertis, même les plus enthousiastes, ne peuvent s’empêcher de se sentir profondément perturbés par les nouveautés et le risque est grand de voir les mécréants se cabrer dans une attitude de refus de la nouvelle religion, si elle leur semble détruire entièrement leur système social. Ainsi, et tant que cela était possible sans contradiction flagrante avec la nouvelle donne, la structure passée a été maintenue, moyennant certains amendements. De ce fait, et contrairement à ce qu’on pourrait penser de manière instinctive, le discours islamique sur la femme n’est pas dans une position de contradiction systématique avec les positions antéislamiques. Or, c’est cet état des choses, souligne l’auteur, qui était à l’origine de nombreuses disputes suite à des interprétations fort différentes du texte sacré. Certains exégètes, en effet, pour expliquer les passages ambigus du Coran, postulaient que la loi islamique ne pouvait que prendre le contrepied des règles préislamiques.
Ce qui nous amène à souligner le troisième point qui nous semble constituer le mérite de cette étude et qui est de prendre le parti théorique et méthodologique de replacer le discours du Coran et de la Sunna sur la femme dans son contexte historique. Cela permet d’attirer l’attention sur le rapport dialectique du discours islamique avec les systèmes de pensée précédents et sur le fait qu’il représente une étape dans une évolution appelée à se poursuivre. Ce discours ne doit pas être enfermé, et nous tenir enfermés, dans une atemporalité sans issue. Une telle atemporalité condamnerait nos sociétés à une situation de tiraillement tragique entre le présent et un modèle social et intellectuel que certains n’ont de cesse d’exalter comme un idéal indépassable.
Mondher Jabberi.